Une gestion diversifiée des roselières
La Réserve naturelle de l’estuaire de la Seine est occupée sur près d’un huitième de sa surface par des roselières. Cet écosystème humide peut s’apparenter à un immense champ de roseau (Phragmites australis). Ses tiges fièrement dressées et pouvant mesurer entre 1,50 m et 4 m de hauteur, forment un massif végétal plus ou moins dense, relativement impénétrable pour l’homme.
Vues du ciel, les roselières semblent très homogènes. Mais en apparence seulement. Car en réalité, plusieurs facteurs interagissent sur l’écosystème et favorisent des disparités, comme la durée de la période d’inondation en hiver et au printemps ou la variation de la teneur en sel de l’eau acheminée par les marées. Toutes deux influencent le dynamisme de la plante et donc la hauteur et la densité de la roselière. L’entretien éventuel de la végétation détermine aussi sa structure et sa densité.
Les aménagements successifs de l’embouchure de la Seine réalisés depuis la fin du XIXème siècle – endiguements et construction du Pont de Normandie notamment – ont largement favorisé le développement de la roselière, qui s’est étendue en lieu et place des bancs de sables et de vases occupant l’estuaire depuis des siècles. Car le roseau est une plante conquérante, dès lors qu’il se trouve dans des conditions de croissance favorables.
Cet écosystème n’en est pas moins très riche d’un point de vue écologique et de nombreuses espèces animales y trouvent le gîte et le couvert : araignées, insectes, oiseaux, mammifères. Et tout au long de l’année !
C’est pourquoi le rôle de la Maison de l’Estuaire est de veiller à ce que les roselières estuariennes conservent ces qualités et des faciès différents. En parallèle de la gestion des niveaux d’eau menée dans les secteurs endigués, qui assure l’inondation des roselières en hiver et au printemps, il est par ailleurs parfois nécessaire de remplacer de manière artificielle l’effet rajeunissant des crues du fleuve aujourd’hui endigué, en entretenant la végétation.
De quelle manière ? En ayant recours au pâturage extensif (chevaux rustiques ou bovins), en fauchant régulièrement ou épisodiquement le roseau ou encore en le broyant. Cependant, cette gestion nécessite d’être fine et issue d’un diagnostic préalable de l’état des roselières.
Sur les presque 1000 ha de roselière, environ 400 ha sont attribués aux coupeurs de roseau. Ils en coupent en moyenne une centaine d’hectares par an, entre janvier et la mi-mars. Le roseau est, rappelons-le, utilisé pour couvrir les toits des chaumières normandes.
En dehors des zones de coupe autorisée, les vieilles roselières peuvent aussi être entretenues ponctuellement par le biais d’une fauche ou d’un broyage, avec exportation de la matière. Cette action vise principalement à rajeunir le milieu et à limiter le développement des ligneux. Elle peut aussi être menée dans certaines zones autorisées à la coupe annuelle, où un diagnostic a révélé un mauvais état de conservation de la roselière, comme ce fût le cas cette année dans le secteur des diguettes, au sud de la route de l’Estuaire.
Dans les zones de non chasse, la gestion des roselières est encore différente. L’objectif est de favoriser, entre autres, l’accueil des oiseaux d’eau et donc de faire évoluer la roselière vers une végétation moins haute et plus ouverte. C’est là que les troupeaux de chevaux, parfois mélangés ou remplacés par des bovins si les conditions de terrain le permettent, interviennent. En broutant le roseau, ils permettent à d’autres plantes plus basses de pousser. Leur action conduit à la genèse de patchs de végétation tantôt haute, tantôt basse, qui profitent à diverses espèces. C’est le cas sur la réserve du Banc Herbeux, une zone par exemple très appréciée par les oies en hivernage, qui se nourrissent en broutant l’herbe. Mais l’action des chevaux de Camargue n’est parfois pas suffisante, car la surface à entretenir est immense, 140 ha ! Pour leur faciliter le travail, la Maison de l’Estuaire fait aussi intervenir des entreprises pour broyer le roseau, 3 à 4 fois par an. Une vingtaine d’hectares ont ainsi été gérés de la sorte en 2022.
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