Coup de projecteur sur les papillons de nuit !

Depuis trois mois, des inventaires sur le groupe des hétérocères, plus communément appelés papillons de nuit (en opposition aux rhopalocères, les papillons de jour), sont en cours afin d’en apprendre plus sur ces insectes fascinants que vous avez peut-être essayé d’attraper étant enfant.
Coup de projecteur sur les papillons de nuit !

Depuis le mois d’avril, Juliette, notre service civique passionnée d'insectes, effectue des inventaires sur les papillons et plus précisément les papillons de nuit. L’étude vise principalement trois sites de la réserve naturelle : la dune, des prairies humides saumâtres appelées subhalophiles, ainsi qu’une parcelle pâturée par des chevaux de Camargue dans le marais de Cressenval, occupée auparavant par un boisement de peupliers.

Le choix de ces secteurs fait écho à une étude réalisée par le naturaliste Bernard Dardenne sur la réserve il y a 20 ans de cela, montrant, sur ces trois sites, une diversité d’espèces et des effectifs fortement liés à la présence de nombreuses plantes permettant d’accueillir les papillons. En effet, plantes et papillons vont de pair puisque les végétaux permettent à la fois aux Lépidoptères de se nourrir et de pondre leurs œufs. Ils sont donc liés à des plantes nectarifères et des plantes hôtes qui peuvent varier en fonction de l’espèce.

Ces nouvelles prospections vont ainsi permettre de réactualiser en partie les données scientifiques sur ce groupe taxonomique, mais également de comparer la situation de ces insectes sur la réserve entre le début des années 2000 et aujourd’hui.

 

A chaque site son cortège de papillons

La dune est un milieu rare avec des plantes typiques poussant dans le sable et résistantes au sel, qui accueillent des Lépidoptères dont les populations régressent que ce soit régionalement, puisque que cette dune est la seule de l’ex Haute-Normandie ou nationalement. C’est par exemple là que Juliette a retrouvé la Leucanie de l’Oyat, Mythimna litoralis, hétérocère patrimonial et inféodé à la plante dunaire qui compose son nom. Ce milieu, malgré une faible diversité et de faibles effectifs à l’heure actuelle, est toutefois celui accueillant le plus d’espèces considérées comme patrimoniales.

Le secteur des prairies subhalophiles, intéressant pour ses prairies humides influencées épisodiquement par de l’eau saumâtre, c’est-à-dire de l’eau douce légèrement salée, pourrait potentiellement accueillir des papillons de nuit rares. C’est par exemple le cas de la Plusie de Putnam, Plusia putnami, car la plante qui l’accueille, le Calamagrostide blanchâtre, Calamagrostis canescens, pourrait s'y  développer. Néanmoins pour l’instant, ni la plante, ni le papillon n’ont été trouvés. Le Sphinx du peuplier, Laothoe populi, un papillon de 8 cm d’envergure au vol très rapide, a cependant été contacté dans cette zone.

Quant à la parcelle pâturée du marais de Cressenval, la littérature scientifique et l’ancienne étude promettaient des espèces rares et à enjeux. Cependant le milieu a bien changé depuis l'étude, les peupliers ayant été coupés et la parcelle mise en pâturage extensif pour favoriser la végétation humide herbacée. Ainsi, le cortège d’espèces n’est plus le même. Le site présente tout de même des papillons magnifiques et peu communs, tels que la Phalène sillonnée, Hemithea aestivaria, un papillon de la famille des Geometridae.

Autre papillon particulier, le Sphinx demi-paon, Smerinthus ocellatus, a été trouvé au sein de prairies pâturées qui sont moins fréquemment prospectées. Cet hétérocère peut atteindre, comme le Sphinx du peuplier, une envergure de 8 cm. Il ne vit qu’une semaine car, démuni d’organes buccaux, il ne se nourrit pas. Son seul but au stade adulte est donc de se reproduire.

Pour l’instant 190 espèces différentes ont été contactées et idéntifiées depuis le mois d’avril. Juliette n'a pas encore eu le temps de comparer ces relevés avec les données historiques de la réserve, qui comptent à ce jour 416 espèces de papillons de jour et de nuit.

 

Trois méthodes de capture différentes

 Ces résultats ont été obtenus grâce à trois méthodes de capture. La première consiste à étendre un drap blanc sur lequel est accroché une lampe à UV pour désorienter les papillons et les attirer sur le drap. En effet, pour se repérer ils ont besoin de garder une source de lumière (lune, étoile, soleil) sur le dos des ailes. En mettant une source lumineuse face à eux, ils sont confus et s’accrochent sur le drap.La deuxième technique est basée sur le même principe : une boite surmontée d’une lampe à UV est installée sur un drap blanc. Les papillons attirés par la lumière se réfugient dans la boite. Enfin, la dernière technique est complémentaire aux deux autres, elle a pour principe de…chasser les papillons à l’aide d’un filet.

Durant le suivi aucun papillon n’est tué ! Ils sont simplement capturés en prenant bien soin de ne pas leur abimer les ailes ou les pattes puis pris en photo afin de déterminer l’espèce ultérieurement.

Les papillons pouvant avoir des périodes d'émergence différentes, un passage est effectué sur chaque site une fois par mois, d’avril à septembre, afin de pouvoir contacter un maximum d'espèces. Néanmoins, des facteurs peuvent biaiser ces résultats, notamment la présence de certaines plantes comme le Buddleia (ou arbre à papillons) sur les sites de prospection. Cette plante exotique envahissante attire beaucoup d’insectes qui s’épuisent à trouver son nectar mais n’ayant pas les organes buccaux adéquats finissent par mourir.

 

Attention animaux fragiles !

Si par ailleurs vous voulez observer des papillons, voici quelques recommandations. Une bonne observation commence par bien choisir le site à prospecter : cela peut être une prairie non piétinée par des troupeaux ou des humains ou un boisement. L'important est qu'il soit riche en plantes. Vient ensuite la problématique de la météo. En effet, un jour de fort vent ne sera pas propice à l’observation de ces insectes car le vol sera pour eux compliqué. Il faut également un peu de chaleur, pour des papillons de jour, un minimum de 15 degrés est conseillé et pour les papillons de nuit, 10 degrés suffisent.

Il est également important de noter que la manipulation et la capture de ces animaux est fortement déconseillée si vous n’êtes pas formé. Les papillons restent des insectes fragiles et un arrachage d’aile ou la perte d’écailles, indispensables à leur survie, peuvent très vite arriver.

 
A la découverte des papillons de la réserve

Plusieurs sorties nature sont proposées cet été pour observer les papillons de la réserve, n'hésitez pas à jeter un œil à notre agenda !

 

Scientifique