De nouvelles études pour mieux connaître la faune du marais subhalophile

Encadré au nord par le Grand Canal du Havre et au sud par la digue insubmersible sur laquelle se déroule la Route de l’Estuaire, le marais situé dans le secteur dénommé « subhalophile » présente un fonctionnement singulier et complexe. Avec le changement climatique, il est important pour le gestionnaire de connaître le mieux possible le fonctionnement écologique et la biodiversité de cet espace contraint par les digues. C’est pourquoi plusieurs inventaires ont démarré ce printemps.
De nouvelles études pour mieux connaître la faune du marais subhalophile

Encadré au nord par le Grand Canal du Havre et au sud par la digue insubmersible sur laquelle se déroule la Route de l’Estuaire, le marais situé dans le secteur dénommé « subhalophile » présente un fonctionnement singulier et complexe. Déconnecté de l’influence quotidienne des marées, l’eau saumâtre de l’estuaire y pénètre toutefois à l’occasion des marées de vives-eaux, grâce à la manipulation de plusieurs vannes installées le long de la digue. Le sous-sol est par ailleurs traversé par une nappe phréatique (de l’eau douce), qui gonfle avec les pluies et affleure à la surface en saison hivernale. Ces modalités d’alimentation et de gestion de l’eau dans cette zone créent des conditions de vie très particulières – environnement aquatique mi doux mi salé, niveaux d’eau hauts en hiver qui diminuent progressivement au printemps – auxquelles la faune s’est adaptée. La connaissance des espèces vivant dans le marais subhalophile est un moyen d’appréhender son fonctionnement. Mais alors que des suivis annuels sont menés sur les oiseaux et de manière pluriannuelle sur les amphibiens ou les odonates, les connaissances acquises sur les autres groupes d’espèces sont bien plus lacunaires et anciennes.

Avec le changement climatique, il est important pour le gestionnaire de connaître le mieux possible le fonctionnement écologique et la biodiversité de cet espace contraint par les digues et la gestion humaine. C’est pourquoi plusieurs inventaires ont démarré ce printemps.

 

Un premier volet d'actualisation des connaissances sur les mammifères

Tout d’abord l’accent a été mis sur les mammifères terrestres, dont le dernier inventaire global date de 2001. La Maison de l’Estuaire ne disposant pas des compétences en interne, ni du temps nécessaire, elle a fait appel à un bureau d’études afin d’effectuer un inventaire des chauve-souris – aussi nommés chiroptères – et des micromammifères. Ces petites bêtes ayant des mœurs nocturnes et étant plutôt du style ‘discrètes’, le bureau d’études a privilégié des techniques de prise de contact « passives ».

Les chauves-souris émettent des ultrasons qui se répercutent sur les obstacles environnants et leur permettent de se repérer dans l’espace et de localiser leurs proies – les insectes. Chaque espèce dispose ainsi d’une « empreinte sonore » qui lui est propre et peut ainsi être identifiée en captant les ultrasons émis. L’outil utilisé est communément appelé « Batbox ». Plusieurs Batbox ont ainsi été placées sur le terrain pour recueillir les sons émis par les chauves-souris en action de chasse sur le marais. Pour les micromammifères, des pièges à appât ont été placés à proximité de points d’eau. Ce type de piège consiste à attirer les animaux à l’intérieur d’une ‘boite’ ouverte sur deux côtés, au fond de laquelle les animaux peuvent laisser une ou plusieurs traces de leur passage (urine, matières fécales, poils). L’ADN contenu dans ces traces sera ensuite analysé pour en identifier les auteurs. Les différents outils de capture seront relevés plusieurs fois et complétés par des campagnes d’observations nocturnes sur le terrain.

 

Un second volet pour compléter les données sur les insectes

Du côté des insectes, nos connaissances sont là aussi lacunaires, pourtant c’est la famille d’espèces terrestres qui présente la diversité la plus importante.

Un premier inventaire du groupe des hyménoptères – abeilles, bourdons, guêpes, frelons et fourmis – a débuté. La capture de ces insectes est effectuée à l’aide d’une ‘tente Malaise’, du nom de René Malaise, qui l’a mise au point dans les années 1930. Ressemblant à une tente, le piège consiste en une structure en tissu de type moustiquaire dressée dans le milieu naturel. Une paroi centrale verticale est couverte par un toit constitué de deux pans. L'arête faîtière est inclinée et son extrémité la plus haute aboutit à un flacon d'alcool à 70° qui recueille les insectes. Pour le moment, les deux pièges sont relevés régulièrement et les insectes sont stockés en vue d’être identifiés par les spécialistes du GRETIA, le Groupe d’Etudes des Invertébrés d’Armorique, en tant que prestataire.

Un autre ordre d’insectes mérite aussi d’être mieux étudié, il s’agit des coléoptères, ces insectes qui sont équipés de deux ailes renforcées appelées « élytres », comme la célèbre Coccinelle. Il s’avère que les coléoptères aquatiques passent une grande partie voire la totalité de leur cycle de vie dans l’eau des mares de la réserve. Il en existe plus de 600 espèces en France métropolitaine ! Le recensement de ces espèces, leur diversité et leurs caractéristiques écologiques, peuvent donc nous apporter des informations intéressantes sur la qualité de ces milieux.

Une étudiante en BUT de Génie Biologique, aidée d’une jeune diplômée en stage de professionnalisation, s’est ainsi attelée à établir un protocole d’inventaire des invertébrés aquatiques et plus spécifiquement des coléoptères aquatiques. Au total, elle a prospecté 51 mares sur les 63 qui ponctuent le marais subhalophile. En parallèle de l’analyse des types d’habitats présents sur chaque mare, de la salinité et du pH de l’eau, elle a effectué une série de captures dans l’eau à l’aide d’un troubleau, une profonde épuisette à maille très fine. Ces captures ont non seulement permis de collecter des coléoptères, mais aussi une grande variété d’autres espèces aquatiques (escargots, vers, larves diverses, têtards, crustacés, poissons…), ce qui a permis d’étayer nos connaissances sur la biodiversité aquatique de chaque mare prospectée. Mais le plus difficile fut d’identifier les espèces de coléoptères. L’opération est plus qu’ardue car les critères d’identification des différents genres et espèces sont parfois très complexes. L’expertise de l’équipe du GRETIA, a apporté une aide précieuse. Au total, 35 genres de coléoptères ont été identifiés ! C’est la famille des Hydrochidae (à hauteur de 62%) qui est la plus représentée sur l’ensemble du secteur, il s’agit d’animaux herbivores et détritivores. Puis vient la famille des Noteridae (à hauteur de 17%), des coléoptères prédateurs. Les mares situées dans la partie Est du marais subhalophile présentent la plus grande diversité avec 6 familles différentes recensées, alors que les mares situées le plus à l’Ouest, les plus saumâtres et les plus fermées par les roseaux, n’en accueillent que 2 familles. L’influence de la salinité et de la composition des végétations occupant les mares semblent donc être des paramètres importants qui conditionnent la diversité des espèces aquatiques qui y vivent.

Les résultats de ces différents inventaires seront dévoilés d’ici la fin de l’année ou au début de l’année prochaine, en fonction du temps qui sera nécessaire aux analyses naturalistes et statistiques.

 

Scientifique