Est-il possible de croiser des serpents dans la réserve ?

Un inventaire a été réalisé cette année, afin de répondre à cette question et de mieux connaître la manière dont les reptiles fréquentent la réserve naturelle. On vous explique tout !
Est-il possible de croiser des serpents dans la réserve ?

C'est quoi un serpent ?

Les serpents font partie de l’ordre des reptiles, qui regroupe également les lézards, les crocodiles, les iguanes, les geckos et aussi les tortues !

En dehors des tortues et des crocodiles, les reptiles sont généralement plutôt associés à des milieux ouverts, secs et il n’est pas forcément évident d’imaginer que des reptiles peuplent les marais de la réserve naturelle. Et pourtant certaines espèces sont plutôt affiliées aux milieux humides, comme la Couleuvre à collier ou le Lézard vivipare.

Le fait est que nous n’avions que peu d’informations à leur sujet, si ce n’est quelques observations ponctuelles de ci de là, réalisées à l’occasion de nos diverses missions sur le terrain.

Il était donc utile de réaliser un inventaire, qui s’est focalisé sur l’ordre des squamates, du terme ‘squama’ qui signifie ‘écaille’ en latin. Ce sont des vertébrés dotés d’une longue queue et dont le corps est recouvert d’écailles cornées. Ils ont également pour caractéristique de changer régulièrement de peau. Les lézards et serpents font ainsi partie de cet ordre.

12 espèces différentes vivent en Normandie, 5 espèces de lézard, 6 espèces de serpent et une espèce de tortue, invasive, la Tortue de Floride.

 
Comment observer les reptiles ?

L’étude a été menée par un étudiant de l’Université des Sciences et Techniques de Rouen dans le cadre d’un Master. Il a appliqué un protocole national, établi par la Société herpétologique de France (SFH) qui contribue notamment à l’amélioration de la connaissance scientifique sur les reptiles et les amphibiens mais aussi à les faire connaître auprès du grand public.

Les reptiles vivent généralement dans des zones situées à la transition de plusieurs milieux, où ils peuvent d’une part s’abriter, comme une haie, un bosquet, un fourré de ronces et d’autre part se réchauffer au soleil comme une prairie, un chemin ou un amas de pierres. Cette caractéristique écologique détermine la manière de les observer. Pour favoriser les observations de ces animaux à sang froid, le protocole d'inventaire prévoit de placer sur les sites propices des supports qui accumulent la chaleur (nous avons opté pour des carrés de caoutchouc noir et souple) sur ou sous lesquels les animaux vont venir se réfugier au cours de la journée.

Ainsi ce ne sont pas moins de 120 plaques qui ont été posées sur 15 sites différents de la réserve naturelle, souvent en bord de chemin ou de haie. L’opération a ensuite consisté à vérifier, à plusieurs reprises durant le printemps et l’été, la présence/absence d’animaux à l’emplacement de chaque plaque : d’abord dessus et autour puis dessous en soulevant avec précaution la plaque. Les reptiles étant très vifs et craintifs, il a fallu être très réactif pour réussir à les identifier ou à les photographier avant qu’ils ne se mettent à l’abri.

Quels résultats ?

Les résultats de ce premier inventaire sont intéressants et concordent plutôt bien avec les particularités de la réserve, une zone humide partiellement soumise aux marées. 5 espèces différentes ont été contactées :

-          La couleuvre à collier (en photo 1 ci-dessous) ou couleuvre helvétique a été observée sur 6 sites sur 15, la plupart du temps cachée sous les plaques. C’est l’espèce la mieux représentée sur la réserve. Elle est reconnaissable à son collier clair doublé de noir, bien visible au niveau du cou. C’est une espèce commune, semi-aquatique, vivant à proximité et dans les plans d’eau. Elle est en effet capable de nager et de plonger pour chasser. Sa présence dans la réserve est donc assez logique. Sa morsure n’est pas venimeuse.

-          Le lézard des murailles a été observé sur 3 sites différents, plutôt en milieu sec et bien exposé, à proximité ou au-dessus des plaques.

-          Il fallait faire très attention à ne pas le confondre avec le lézard vivipare (en photo 2 ci-dessous), plus trapu et plus rare. Sa population a tendance à baisser en France et il est quasi menacé en Normandie. Il fait partie des espèces choisies comme sentinelles du climat dans notre région.

-          L’orvet fragile (en photo 3 ci-dessous) a été observé uniquement sur un site humide situé au pied des falaises, peut-être déconnecté du reste de la réserve du fait de la présence des multiples infrastructures routières et pouvant expliquer l’absence d’observation sur le reste du territoire.

-          Un seul individu de vipère péliade a été observé en milieu sec et sableux à l’aval de la réserve. Ce serpent est reconnaissable à sa tête triangulaire qui se démarque du cou et au motif dorsal en zig zag de couleur noire pour le mâle et brune pour la femelle. Son statut est plus préoccupant car sa population est en baisse, à un point tel qu’elle est considérée comme vulnérable en France et en danger en Normandie. La vipère péliade fait également partie des sentinelles du climat.

 

Pour une première saison d’inventaire, les résultats sont encourageants, même si toutes les espèces de reptile observées de façon historique dans l’estuaire n’ont pas été recontactées (Coronelle lisse). Mais un inventaire n’est jamais exhaustif, il est impossible de couvrir tout le territoire et il est toujours possible de ‘passer à côté’ d’une observation, lorsque la faune ciblée reste cachée ou absente, du fait par exemple de mauvaises conditions météo, ce qui fut le cas durant ce printemps.

C’est pourquoi la Maison de l’Estuaire renouvellera ce suivi les années prochaines. Il est en effet probable (d’après l’expérience de la SFH) que la faune s’habitue à la présence des plaques et les fréquente davantage avec le temps.

Pour les curieux, plusieurs plaques ont été installées à l’entrée du sentier du marais du Hode. N’hésitez pas à y jeter un œil ou à les soulever en les tirant vers vous à l’aide de la cordelette. Gardez vos mains sur la cordelette et faites-le uniquement si vous avez des chaussures fermées pour prévenir tout risque de morsure. Remettez bien les plaques en place à votre départ.

 En France, un grand nombre d’espèces de reptiles sont en déclin et protégées par la loi. Croiser un serpent lors de vos promenades est donc un privilège et non un danger.

Scientifique