La réserve naturelle de l'estuaire de la Seine toujours attractive pour le râle des genêts

La présence du râle des genêts est à nouveau confirmée dans la réserve naturelle, grâce aux suivis et écoutes réalisés au cours du printemps et du début de l'été.
La réserve naturelle de l'estuaire de la Seine toujours attractive pour le râle des genêts

Portrait d'un oiseau discret

Le râle des genêts (Crex crex) fait partie de la famille des rallidés. C’est un oiseau de taille moyenne, de 27 à 30 cm de long et qui ressemble à une perdrix. Il arbore un plumage brun roussâtre écaillé de noir sur le dessus, virant au gris bleuté sur les côtés de la tête et la poitrine. Il vit au sol au sein de végétations herbacées assez hautes et denses où il peut se cacher, comme des prairies humides de fauche ou moins souvent des champs cultivés.

Pourvu d’un bec court et trapu, le râle des genêts se nourrit de graines et de petits insectes picorés sur le sol. Il peut aussi capturer toutes sortes d’invertébrés comme des limaces, des escargots, des vers de terre ou des araignées.

C’est un oiseau migrateur, qui navigue entre le sud de l’Afrique pour la majeure partie de la population en période d’hivernage et l’Europe et l’Asie en période de reproduction.

 

Un suivi annuel historique

La population nichant dans la réserve naturelle de l’estuaire de la Seine est suivie attentivement chaque année depuis 1999, avec l’aide du Groupe Ornithologique Normand. Car bien qu’elle ne soit pas menacée à l’échelle mondiale, c’est une espèce dont la population nicheuse française a connu un déclin majeur depuis 1980. Elle est, à ce titre, considérée comme étant en danger par le Muséum National d’Histoire Naturelle. Le nombre de mâles chanteurs recensés est effectivement passé de 2450 en 1980 (Broyer, 1985) à 223 en 2020 (données collectées dans le cadre du dernier Plan National d’Action). Ce déclin est associé à plusieurs facteurs liés principalement à l’évolution des pratiques agricoles : la transformation d’une part importante des prairies en cultures, le recours aux produits phytosanitaires qui empoisonnent ses ressources alimentaires et l’intensification de la gestion des prairies de fauche, coupées plus précocement au printemps et plus rapidement, augmentant ainsi les risques de destruction des couvées et des nichées.

Comment se déroule le suivi ? Tout comme le Butor étoilé, le Râle des genêts est un animal très discret, qui demeure camouflé dans la végétation. De plus il ne s’exprime qu’après la nuit tombée, obligeant les observateurs à arpenter en pleine nuit le marais, oreilles aux aguets. Seul le mâle chante. L’indicateur sur lequel est basé le suivi est donc le nombre de mâles chanteurs, qui a évolué en nombre de places de chant, car ces messieurs sont susceptibles de changer de lieu d’expression d’une nuit à l’autre. Concrètement, plusieurs observateurs se répartissent autour des massifs de prairies humides où l’oiseau est susceptible de s’installer et chacun va inciter les mâles à réagir, en diffusant un enregistrement du chant à trois reprises sur une durée de 10 minutes. Cette méthode permet ainsi de recenser un ou plusieurs mâles chanteurs quasiment en simultané. Cette action est ensuite répétée plusieurs nuits, entre fin mai et début juillet.

 

Une population nicheuse qui reste menacée en France et en Normandie

La situation de la population de la vallée de la Seine et même de la population normande est toujours préoccupante car les effectifs recensés restent dans l’ensemble assez faibles et très irréguliers d’une année à l’autre. Mais bien qu’ils ne dépassent plus l’ordre de la dizaine depuis 2010, le nombre de mâles chanteurs contactés sur la réserve naturelle représente souvent une part non négligeable de la population régionale, voire plus de 75% certaines années. Et la population de l’estuaire de la Seine peut représenter jusqu’à 4% de la population nationale en fonction des années ; ce fut le cas en 2020. Cette année, nous avons pu identifier 8 places de chant différentes, réparties entre les prairies subhalophiles et les prairies du Hode. En 2022, une seule place de chant a été repérée à l’Est du marais de Cressenval, et aucune en 2021.

L’enjeu de préservation de cet oiseau dans la réserve demeure important, d’autant plus que les mesures appliquées favorisent aussi les autres espèces nichant dans les prairies, comme la bergeronnette flavéole, le tarier des prés ou le pipit farlouse…). La fauche tardive, autorisée seulement à partir du 8 juillet, l'interdiction des produits phytosanitaires ou encore le maintien du caractère humide des prairies par une gestion adaptée des niveaux d’eau ne sont malgré tout pas suffisants, et des mesures supplémentaires sont prises. L’enjeu est en effet de renforcer la protection des nids et des couvées. Pour ce faire, chaque place de chant identifiée amène à la mise en place d’une zone de 2 ha où la fauche est retardée jusqu’à la mi-août à minima pour donner le temps aux œufs d’éclore et aux jeunes râles de finir leur croissance. Chaque agriculteur concerné est alors indemnisé pour ce manque à gagner.

Scientifique