Une nichée de râle des genêts confirmée grâce à l’usage du drone
Portrait
Pour rappel, le râle des genêts (Crex crex) fait partie de la famille des rallidés. C’est un oiseau de taille moyenne, de 27 à 30 cm de long et qui ressemble à une perdrix. Il arbore un plumage brun roussâtre écaillé de noir sur le dessus, virant au gris bleuté sur les côtés de la tête et la poitrine. Il vit et niche au sol, au sein de végétations herbacées assez hautes et denses où il peut se cacher des prédateurs, comme les prairies humides de fauche encore bien présentes dans l’estuaire de la Seine.
Pourvu d’un bec court et trapu, le râle des genêts se nourrit principalement de proies trouvées au sol : insectes (coléoptères et orthoptères) et leurs larves, araignées, gastéropodes, vers de terre et potentiellement de végétaux (source Plan National d’Action en faveur du Râle des genêts 2024-2033).
Une population toujours en déclin
C’est un oiseau migrateur, qui navigue, pour la majeure partie de la population, entre le sud de l’Afrique (hivernage) et l’Europe et l’Asie (reproduction).
Et malheureusement, le statut de conservation de la population reproductrice à l’échelle européenne est jugé défavorable, puisqu’elle a subi un déclin historique important. L’espèce est ainsi inscrite à l’annexe I de la directive européenne pour la conservation des oiseaux.
En France, la population nicheuse a également connu un déclin majeur depuis le début des années 1980 : l’espèce a vu ses effectifs chuter de plus de 97% en près de 40 ans et ce malgré la mise en place au début des années 90 de contrats agricoles identifiés comme plutôt favorables au râle (Mesures Agro Environnementales). L’aire de répartition de l’espèce a également été réduite. Le râle des genêts est plus que jamais considéré comme « En danger » par le Muséum National d’Histoire Naturelle et même « En danger critique » en Normandie.
Ce déclin est lié à de multiples facteurs, le principal étant la perte et la dégradation des milieux naturels au sein desquels le râle se reproduit : la réduction des surfaces de prairies humides se poursuit inexorablement au profit des cultures, des infrastructures, des zones artificialisées ou encore des friches et boisements dans les secteurs les moins productifs. Pendant la période de reproduction, qui s’étire jusqu’au mois d’août, les nichées comme les jeunes non volants peuvent aussi être menacés par la prédation, les pratiques de fauche, une inondation lors d’une crue printanière ou estivale (un phénomène de plus en plus fréquent du fait du changement climatique).
(source Plan National d’Action en faveur du Râle des genêts 2024-2033)
Un nouveau Plan National d’Action 2024-2033
Afin d’enrayer ce déclin, un troisième « Plan National d’Action » (PNA) a été élaboré pour une durée de 10 ans : amélioration des connaissances sur l’espèce et son écologie, mise en place de mesures de préservation des habitats et des conditions de reproduction et diffusion de l’information sont les trois axes sur lequel repose ce nouveau PNA.
L’estuaire et la basse vallée de la Seine font partie de la douzaine de régions naturelles françaises accueillant l’oiseau pendant la période de reproduction. En tant que gestionnaire de la réserve naturelle, la Maison de l’Estuaire assure chaque année le suivi du râle des genêts avec l’aide du Groupe Ornithologique Normand. Alors que plusieurs mâles chanteurs ont été contactés en 2023, la Maison de l’Estuaire a encore renforcé son dispositif de suivi cette année.
Un succès de reproduction confirmé dans l’estuaire de la Seine
La première étape du protocole consiste à détecter et localiser les mâles reproducteurs en captant leur chant, par le biais de séances d’écoute nocturne, puisque ces derniers ne s’expriment qu’après la nuit tombée. Ces séquences d’écoute ont été couplées, lorsque c’était possible, à un enregistrement des chants. Une technique d’analyse statistique des sonogrammes, développée par Olivier Swift, expert écologue et spécialiste en bioacoustique, pourrait permettre ultérieurement d’identifier les individus sources.
A la solde de cette première phase, 6 places de chant ont été déterminées en 2024, toutes situées dans des prairies humides de la réserve et de sa proche périphérie. Qui dit « mâle chanteur », dit « femelles nicheuses potentielles » (un mâle pouvant s’accoupler avec plusieurs femelles et vice-versa), c’est pourquoi la mise sous protection stricte de ces zones de nidification potentielle est une priorité.
Dans l’estuaire de la Seine, l’une des principales mesures consiste ainsi à préserver de la fauche une surface de prairie de 2 ha minimum, englobant chaque place de chant. Ce procédé de mise en exclos est aussi favorable aux autres espèces nichant dans les prairies, comme la bergeronnette flavéole, le tarier des prés ou le pipit farlouse… En contrepartie d’une indemnisation financière versée par l’Etat, l’exploitant agricole s’engage alors à retarder de plusieurs semaines la fauche de l’herbe, pour donner le temps aux œufs d’éclore et aux jeunes râles de finir leur croissance. Six exclos ont été délimités et matérialisés sur le terrain avant le début de la période de fauche.
La troisième étape a consisté à surveiller l’activité au sein de ces exclos, en quête d’indices de présence de nichée. Cette étape s’est appuyée sur l’utilisation du drone, acquis en début d’année grâce au Fonds Vert. Le survol des exclos a permis de détecter dans l’un d’entre eux plusieurs jeunes râles accompagnés d’au moins un adulte. Ce constat confirme ainsi que le râle des genêts s’est bien reproduit cette année dans l’estuaire de la Seine et l’utilité de ce procédé de mise en exclos.
Toutefois, cette superficie de 2 hectares est jugée insuffisante dans le 3ème Plan National d’Action, qui indique qu’il faudrait établir des exclos bien plus vastes (78 ha dans l’idéal) pour s’assurer d’inclure les surfaces utilisées par les jeunes non volants. Il serait donc intéressant de poursuivre la réflexion quant aux mesures de protection prises dans l’estuaire de la Seine pour préserver les conditions de reproduction de cet oiseau menacé.
Scientifique