La réserve est un bon garde-manger pour les chauves-souris
Des espèces sensibles et indicatrices de l'état de santé des milieux
Le groupe des chauves-souris n’avait pas été étudié de manière globale depuis le début des années 2000. Les données historiques, reprises dans le diagnostic du 4ème plan de gestion, mentionnaient 12 espèces différentes, exploitant surtout le territoire de la réserve pour se nourrir (voir liste ci-dessous).
S’alimentant exclusivement d’insectes et d’autres petits invertébrés, ce groupe de petits mammifères volants représente un bon indicateur de l’état de santé des habitats et méritait une actualisation des connaissances, d’autant plus que trois espèces historiquement présentes dans l’estuaire sont inscrites à l’annexe II de la Directive Habitats-faune-flore : le Grand Rhinolophe, le Grand Murin et la Barbastelle d'Europe. Rappelons que la Normandie compte 21 espèces différentes sur les 36 identifiées en France métropolitaine et que les plus vulnérables font l’objet d’un plan national d’action, décliné à l’échelle régionale et piloté par le Groupe Mammalogique Normand.
La liste des espèces présentes s'allonge !
La Maison de l’Estuaire a ainsi engagé deux protocoles d’inventaire dans l’objectif d’actualiser les connaissances des chiroptères sur le périmètre de la Zone Spéciale de Conservation de l’Estuaire de la Seine et sur celui de la réserve naturelle. Le premier a été effectué en régie par l’animateur Natura 2000 entre 2022 et 2024. Le second a été délégué en 2023 au bureau d’études Ecosphère et a porté sur un premier secteur, dit « subhalophile ».
Les chauves-souris ayant des mœurs nocturnes et pouvant couvrir de vastes territoires au cours de leur chasse, la méthode couramment utilisée pour les contacter consiste à capter les ultrasons qu’elles émettent pour se repérer dans l’obscurité, en détectant les obstacles et évaluer la distance de ces derniers et aussi pour chasser. Elles émettent des ultrasons qui rebondissent sur les obstacles ou les proies environnantes et reviennent sous forme d'écho. Chaque espèce émet dans une gamme de haute-fréquence donnée et selon un rythme particulier qui permet, avec de l’expérience et du bon matériel, de l’identifier avec une certaine marge de confiance.
Lorsque les cris de plusieurs individus, ayant des gammes de fréquence d’émission proches, sont captés en simultané, l’identification est plus délicate voire impossible et peut se limiter alors à l’identification de ‘complexes’ tels que Pipistrelle commune/Pipistrelle de Nathusius, Pipistrelle de Kulh/Pipistrelle de Nathusius, Sérotine sp./Noctule sp. dit « sérotule », ou encore au genre Murin sp. ou Oreillard sp.
Entre 2022 et 2024, 13 espèces de chauves-souris ont ainsi été identifiées de manière certaine (voir liste ci-dessous). La Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus) est l’espèce la plus fréquemment contactée aux diverses périodes de prospection (76,3% des contacts référencés par la Maison de l’Estuaire, 57,61% des contacts référencés par Ecosphère).
Focus sur les résultats de l'étude menée sur le secteur subhalophile (source Ecosphère)
Les prospections ont été effectuées sur deux périodes : la première en mai-juin (mise bas et élevage des jeunes aussi nommée période de parturition) puis la seconde de fin août à début septembre (transit automnal).
L’étude met en évidence la présence régulière de 7 espèces durant la période de parturition. La Pipistrelle commune a dominé l’activité, sans pour autant présenter d’activités particulièrement significatives. Les « sérotules » (complexe indifférencié composé de Sérotines et de Noctules) et la Pipistrelle de Nathusius (a minima le complexe Kuhl/Nathusius) se démarquent avec des activités significatives plus régulières et couvrant une majorité des prairies échantillonnées. Les prairies subhalophiles de l’estuaire de la Seine constituent ainsi un site d’alimentation privilégié pour ces espèces principalement anthropophiles à cette période de leur cycle biologique.
La diversité des espèces augmente en période de transit automnal, puisque 5 autres espèces ont été contactées : Barbastelle d’Europe (1 contact), Grand Murin (1 contact), Pipistrelle pygmée (2 contacts), Oreillard gris (1 contact) et Sérotine bicolore (2 contacts). Ce cortège présente une diversité assez rarement rencontrée ailleurs pour l’ex Haute-Normandie. Comme en période de parturition, les « sérotules » et le complexe Kuhl/Nathusius, ainsi que les murins, se démarquent avec des activités significatives régulières, couvrant une majorité des prairies échantillonnées et plus particulièrement au niveau des extrémités Ouest et Est.
Parmi ces espèces, plusieurs ont été mentionnées pour la première fois dans le périmètre de la réserve naturelle : la Barbastelle d’Europe, la Pipistrelle pygmée, l’Oreillard gris et la Sérotine bicolore. En dehors de l’oreillard, il s’agit d’espèces d’occurrences plutôt rares et localisées à l’échelle de l’ex région Haute-Normandie.
Scientifique