Une nouvelle espèce d’oiseau observée dans la Réserve naturelle de l’estuaire de la Seine et en Normandie : le Faucon d’Eléonore

Après le Chacal doré au printemps, voici que les vents automnaux ont porté une nouvelle espèce d’oiseau jusqu’aux portes de l’estuaire de la Seine.
Une nouvelle espèce d’oiseau observée dans la Réserve naturelle de l’estuaire de la Seine et en Normandie : le Faucon d’Eléonore

Le Faucon d’Eléonore est un rapace originaire du bassin méditerranéen. D’après le Groupe ornithologique normand, il s’agit de la 402ème espèce d’oiseau observée de manière contemporaine en Normandie.

 
Où a-t-il été observé ?

A l’occasion d’une balade naturaliste sur le sentier du marais du Hode, deux amateurs d’observation d’oiseau et de photographie ont capturé dans leur objectif, chacun de leur côté, un faucon perché dans un arbre situé non loin des observatoires. L’observation a été partagée sur la plateforme participative Faune Normandie, comme étant un jeune Faucon pèlerin. Mais en analysant avec attention les différents critères visibles sur les photographies prises par les deux observateurs (couleurs du plumage, stature, taille des ailes), les naturalistes, chargés de valider les données partagées sur la plateforme, ont conclu qu’il s’agit en fait d’un Faucon d’Eléonore et plus précisément une femelle âgée d’au moins 2 ans.

 
D'où vient-il ?

Bien connu dans le sud de la France, l’oiseau fait actuellement l’objet de 4577 mentions en France, répertoriées sur la plateforme Faune France. Mais les observations se concentrent sur le littoral méditerranéen, Corse comprise, avec des individus qui remontent la vallée du Rhône et le long de la façade atlantique. Avec seulement 313 données connues en France jusqu’en 1997 (Ph.-J. DUBOIS et al. 2000 Inventaire des oiseaux de France), il y a donc eu une forte augmentation du nombre de données depuis les 20 dernières années. Une meilleure connaissance de l’espèce, ainsi que la facilité de la saisie en ligne pourraient expliquer ce phénomène. Mais l’influence du changement climatique n’est pas non plus à exclure, car les observations au nord de la Loire sont rares (source Groupe ornithologique normand).

L’espèce est bien présente sur le reste du pourtour méditerranéen, en particulier en Grèce, en Turquie, à Chypre et au Maghreb, avec plusieurs colonies nicheuses installées au large des côtes africaines, sur des petits îlots dénudés au nord de l’archipel volcanique des Canaries (320 couples répertoriés / https://eleonorasfalcon.org). L’espèce hiverne ensuite à Madagascar après avoir traversé le continent africain d’Ouest en Est.

 
Quel est son menu ?

Le Faucon d’Eléonore se nourrit principalement d’insectes volants et de petits oiseaux. Ces derniers constituent l’essentiel de son menu en période de reproduction. C’est pourquoi l’oiseau est un reproducteur plus tardif que ses cousins, car il attend la période propice de la migration post-nuptiale, durant laquelle nombre de passereaux transitent entre l’Europe et l’Afrique.

 
Un phragmite aux Iles Canaries

Nous avons d’ailleurs été témoin de ce phénomène l’année dernière. Dans le cadre du camp de baguage du Hode, organisé tous les ans au mois d’août dans le but de suivre les habitudes migratoires des passereaux paludicoles, un jeune Phragmite des joncs a été bagué puis relâché le 7 août 2024. Malheureusement, ce dernier n’a pas réussi à gagner son aire d’hivernage, en Afrique subsaharienne. Son vol s’est arrêté à hauteur du Maroc, intercepté par un Faucon d’Eléonore en pleine chasse au-dessus de l’Atlantique. En effet, des scientifiques chargés du suivi des colonies nicheuses de Faucon d’Eléonore, ont retrouvé les restes du phragmite des joncs ainsi que la bague le 31 août 2024, sur l’un des îlots de l’archipel des Canaries, l’Isla de Montaña Clara. C’est un rocher désertique d’1,5 km de long et de 200m d’altitude, situé à environ 200 km des côtes marocaines et classé en réserve naturelle intégrale. Les restes fraichement prédatés ont été découverts dans un nid occupé par plusieurs jeunes de quelques jours à peine. Ceci atteste que les oiseaux s’y nourrissent en chassant au vol les passereaux migrateurs qui transitent au-dessus de l’océan.

Ces scientifiques ont d’ailleurs étudié la relation entre les vents dominants et la réussite des nichées sur ces ilots, en concluant que lorsque les vents dominants proviennent du continent et donc de l’Est et qu’ils poussent les groupes de migrateurs vers l’océan, la reproduction au sein des colonies de Faucon d’Eléonore est favorisée (https://eleonorasfalcon.org).

 

La poursuite des suivis ornithologiques sur le territoire estuarien permettra peut-être d’estimer si le passage de cet oiseau était le fait d’une errance individuelle et fortuite ou plutôt d’une dynamique de prospection de nouveaux territoires.

Ornithologie Scientifique